Créer du sens après une perte

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Perdre un proche laisse nécessairement un vide, face auquel notre esprit cherche naturellement du sens. Ce besoin de sens ne consiste pas forcément à comprendre pourquoi la perte est survenue, car il arrive souvent qu'il n’y ait pas de réponse claire ou satisfaisante (Neimeyer, 2001). Il s'agit plutôt de donner une forme à nos ressentis, à notre vécu, pour continuer à avancer sans nier ou oublier ce qui a été perdu.

Créer du sens après une perte n’est donc pas effacer, mais plutôt tisser un lien cohérent entre « avant » et « après » (Neimeyer, 2001).

1. Pourquoi notre cerveau a-t-il besoin de sens après une perte ?

Notre cerveau a fondamentalement besoin de cohérence et d’ordre pour fonctionner (Park, 2010). Or, une perte brutale bouleverse radicalement cette cohérence intérieure. Ainsi, chercher du sens revient à réorganiser notre monde intérieur, à reconstruire des repères clairs malgré la perte vécue.

La recherche montre clairement que donner du sens à une perte, même symboliquement, réduit significativement la détresse émotionnelle et favorise un retour progressif à l’équilibre (Park, 2010 ; Neimeyer, 2001).

Créer du sens, c’est accepter la réalité de la perte tout en affirmant : « C’est arrivé, et voici comment je peux vivre avec ça. »

2. Créer du sens concrètement : trois voies possibles

2.1. Se poser des questions ouvertes et constructives

Au lieu de se focaliser sur le « pourquoi » de la perte, souvent inaccessible, il est plus utile de s’interroger de manière ouverte et constructive (Neimeyer, 2001) :

  • « Qu’est-ce que cette relation m’a apporté concrètement ? »

  • « Que voudrais-je conserver de cette personne dans ma vie actuelle ? »

  • « Comment puis-je honorer ce lien aujourd’hui et à l’avenir ? »

Ces questions permettent d’ouvrir des possibilités au lieu de rester bloqué sur l’absence de réponses.

2.2. Mettre en place des rituels personnels

Créer du sens passe aussi souvent par des gestes symboliques, personnels et intimes (Romanoff & Terenzio, 1998). Par exemple :

  • Écrire régulièrement une lettre à la personne absente.

  • Allumer une bougie ou marquer les dates importantes par un geste spécifique.

  • Porter un objet symbolique rappelant le lien qui existait.

  • Dédié un espace, un carnet, ou une activité en hommage à la personne disparue.

Le sens se construit souvent dans ces gestes simples, qui n’ont pas besoin d’être spectaculaires pour être profondément vrais et porteurs de sens.

2.3. Transformer la perte par l’action ou la transmission

Pour certaines personnes, créer du sens après une perte se manifeste par une action ou un engagement nouveau (Neimeyer, 2001 ; Tedeschi & Calhoun, 2004). Par exemple :

  • Témoigner publiquement de son expérience pour aider d’autres personnes endeuillées.

  • S’impliquer dans des projets créatifs : écrire, peindre, s’exprimer à travers l’art.

  • Changer une habitude, adopter un nouveau style de vie, ou prendre un engagement personnel symbolique.

Ces actions ne sont jamais obligatoires, mais constituent une voie possible si elles résonnent en soi.

3. Il ne s'agit pas de « positiver » la perte

Créer du sens ne signifie jamais devoir justifier ou relativiser une perte douloureuse. Il est normal et sain de ressentir de la colère, de la tristesse, ou un sentiment de vide profond (Neimeyer, 2001).

Il est tout à fait possible de chercher un sens personnel sans diminuer le sentiment d’absurdité de ce qui a été vécu.

Conclusion

Il ne s’agit jamais de remplacer ce qui a été perdu, mais de construire différemment. Créer du sens ne revient pas à tourner une page, mais plutôt à écrire consciemment un nouveau chapitre en tenant compte de la perte.

Parfois, donner du sens, c’est simplement reconnaître que ce qu’on a vécu avait du poids, et décider que notre vie en portera désormais la trace (Neimeyer, 2001).