Les vagues du deuil : S'autoriser à ressentir

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Le deuil ne suit pas une trajectoire linéaire avec des étapes clairement définies. Il se manifeste plutôt sous la forme de vagues émotionnelles, parfois douces, parfois brutales, parfois espacées, parfois rapprochées. La clé pour traverser cette période n’est pas de bloquer ces émotions, mais d’apprendre à les accueillir sans jugement, comme le propose le psychologue et chercheur George Bonanno (2009).

Le modèle des vagues selon Bonanno

Selon Bonanno (2004, 2009), le processus du deuil est plus réaliste lorsqu’il est vu comme un ensemble d’oscillations émotionnelles plutôt que comme une progression linéaire ou une série d’étapes fixes.

Ainsi :

  • Même très tôt après une perte, des moments de joie, de calme ou de concentration coexistent avec la tristesse (Bonanno, 2009).

  • La majorité des personnes endeuillées ne vivent pas un effondrement émotionnel permanent, mais plutôt une alternance régulière entre douleur et moments de répit (Bonanno, 2004).

  • Ces fluctuations ne témoignent pas de déni ou d’instabilité, mais d’une capacité naturelle à s’adapter à la perte (Bonanno, 2009).

Pourquoi cette vision du deuil est libératrice

Cette compréhension du deuil aide à normaliser les expériences émotionnelles vécues par chacun :

  • Vivre une journée normale puis ressentir soudainement une vague intense de tristesse est parfaitement normal (Stroebe & Schut, 2010).

  • Aller mieux puis revivre une forte émotion à une date ou dans un lieu précis est également normal.

  • Ressentir de la joie en plein deuil, ou culpabiliser de rire, est une réaction fréquente et compréhensible (Bonanno, 2009).

Le rythme émotionnel du deuil est unique à chacun, et ne dit rien de la qualité de notre capacité à traverser la perte (Stroebe & Schut, 2010).

Comment réagir concrètement face aux vagues émotionnelles ?

1. Ne pas résister à l’émotion

Les émotions associées au deuil sont passagères. Vouloir les éviter ou les bloquer intensifie souvent leur ressenti. Il est préférable de les accueillir en sachant qu’elles vont finir par passer naturellement (Neff, 2003).

2. Respirer profondément et nommer les émotions ressenties

Identifier clairement l’émotion (« Je ressens de la tristesse » ou « Un souvenir douloureux revient ») aide à activer les zones cérébrales responsables de la régulation émotionnelle, réduisant ainsi leur intensité (Lieberman et al., 2007).

3. S’ancrer physiquement dans l’instant présent

Le corps peut devenir un allié puissant face à ces vagues émotionnelles :

  • Marcher ou se lever et bouger doucement (Ratey, 2008).

  • Poser consciemment ses pieds au sol.

  • Décrire mentalement quelques objets autour de soi pour revenir à l’instant présent (Linehan, 2015).

Et entre deux vagues émotionnelles ?

  • S’accorder consciemment des pauses émotionnelles sans culpabilité.

  • Profiter des moments calmes pour se reposer ou se ressourcer.

  • Éviter de chercher à anticiper la prochaine vague émotionnelle, pour ne pas générer une anxiété supplémentaire (Bonanno, 2009).

  • Utiliser des gestes simples et apaisants : boire de l’eau, respirer profondément, écrire quelques mots pour s’apaiser.

Conclusion

Le deuil se vit naturellement par vagues émotionnelles, et notre capacité à les traverser dépend souvent de notre flexibilité et de notre souplesse intérieure (Bonanno, 2009). Il n’est pas nécessaire d’être fort ou invulnérable, seulement d’être authentique dans ce que l’on ressent.

Chaque vague émotionnelle traversée nous rapproche graduellement d’un apaisement émotionnel. Laissons simplement ces vagues passer : notre corps et notre esprit possèdent naturellement la capacité de les traverser, même quand notre cœur semble momentanément submergé (Bonanno, 2004).