Perspectives du processus de deuil : Vu par Bonnano

Le modèle classique des « cinq étapes du deuil » (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation), bien qu’encore très diffusé, ne correspond pas vraiment à la manière dont la plupart des personnes vivent concrètement la perte d’un être cher. George Bonanno, psychologue renommé et spécialiste mondial du deuil, a proposé une autre approche, plus juste, plus flexible et plus représentative de la réalité vécue par une majorité de personnes endeuillées (Bonanno, 2009).

1. Ce que Bonanno a découvert sur le deuil

À travers ses nombreuses recherches, Bonanno (2004, 2009) met en évidence plusieurs points essentiels :

• Le deuil n’est pas un processus linéaire ou rigide, mais oscille naturellement entre moments de douleur intense et périodes de calme relatif.

• La grande majorité des personnes endeuillées retrouvent spontanément un équilibre émotionnel satisfaisant sans avoir recours à un suivi psychologique spécialisé.

• Il n’existe pas une seule « bonne » façon de réagir face à la perte, mais une très grande diversité de réponses émotionnelles normales.
  

Autrement dit, se sentir parfois bien, parfois mal, parfois apaisé, parfois submergé ne signifie pas que l’on est instable ou anormal : cela signifie simplement que l’on est humain (Bonanno, 2009).

2. Les vagues émotionnelles du deuil : comment cela fonctionne

Bonanno décrit le deuil comme une succession de « vagues » émotionnelles, plutôt qu’une série d’étapes fixes (Bonanno, 2004) :

• Une vague émotionnelle peut être déclenchée par un souvenir précis, un lieu significatif, ou encore une date particulière.

• Sa durée est variable : quelques minutes, plusieurs heures, voire davantage.

• Elle peut survenir de façon imprévisible, parfois longtemps après la perte.

• Mais elle finit toujours par passer, et entre ces vagues, il existe des moments de vie normale et d’apaisement.
  

3. Pourquoi la vision de Bonanno change la manière d’aborder le deuil

Cette approche a plusieurs avantages concrets :

• Elle autorise les moments où l’on ne se sent pas continuellement en deuil, sans culpabilité.

• Elle normalise les instants de joie, de rire ou de paix, sans les considérer comme déplacés ou anormaux.

• Elle légitime les retours en arrière émotionnels : ce ne sont pas des régressions, mais simplement des mouvements normaux du processus.
  

Selon Bonanno, cette flexibilité émotionnelle est même un signe de bonne adaptation psychologique, et non une faiblesse ou un blocage (Bonanno, 2009).

4. Accueillir concrètement ces vagues émotionnelles du deuil

Quelques stratégies concrètes pour accompagner ce processus personnel :

• Tenir un journal simple pour noter quand et comment ces vagues émotionnelles arrivent.

• Ne pas chercher à les éviter, mais les accueillir avec conscience et douceur.

• Profiter des moments calmes pour se ressourcer, sans se culpabiliser de se sentir temporairement mieux.

• Garder à l’esprit que ces vagues ne sont pas des tsunamis : elles sont transitoires, et l’on sait y faire face.
  
  

Conclusion

La vision de Bonanno allège considérablement la manière dont on perçoit et vit le deuil, sans nier pour autant son intensité. Elle rappelle simplement que notre cerveau et notre cœur possèdent naturellement la capacité de s’adapter aux pertes importantes.

Ainsi, le cheminement du deuil ne suit jamais une ligne droite, mais fonctionne par cycles, par bouffées, par allers-retours émotionnels.

Notre deuil n’a donc pas besoin d’être linéaire. Il a simplement besoin d’être vécu à son propre rythme.