Prévenir les rechutes

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Dans la démarche visant à sortir d’une addiction, arrêter la consommation ou réduire son comportement constitue un premier succès significatif. Cependant, maintenir ces progrès sur le long terme reste souvent un défi, ponctué de moments de rechute potentiels (Marlatt & Donovan, 2005). Il est important de comprendre qu’une rechute n’est pas un échec personnel mais une étape fréquente et prévisible dans tout processus de changement durable (Prochaska & DiClemente, 1983). Plus elle est comprise et anticipée, mieux elle peut être évitée ou surmontée efficacement.

1. Comprendre pourquoi les rechutes surviennent

Les rechutes ne résultent généralement pas d’un manque de volonté ou d’un défaut moral, mais s’expliquent par plusieurs facteurs psychologiques et neurobiologiques bien documentés (Koob & Volkow, 2010) :

  • Persistance des anciens automatismes neuronaux : les circuits cérébraux liés à l’addiction restent fragiles longtemps après l’arrêt ou la réduction.

  • Situations émotionnelles déclenchantes : stress, anxiété, solitude ou ennui réactivent souvent les anciens comportements.

  • Excès de confiance suite à une période de réussite : sentiment trompeur d’avoir définitivement vaincu l’addiction (« Je gère maintenant »).

  • Effet de l’abstinence rompue (« j’ai tout gâché ») : une consommation ponctuelle peut rapidement se transformer en reprise durable par découragement (Marlatt & Donovan, 2005).

2. Quatre stratégies efficaces pour prévenir une rechute

2.1. Identifier clairement ses déclencheurs personnels

Il est crucial d’identifier précisément les situations, les émotions ou les pensées qui déclenchent la consommation ou l’envie de consommer (Larimer et al., 1999). Souvent, ces déclencheurs incluent :

  • Émotions difficiles : frustration, colère, anxiété, sentiment de vide.

  • Situations précises : solitude, soirée, après une dispute.

  • Pensées pièges : « juste une fois », « j’ai bien tenu jusqu’ici », « je le mérite ».

Un outil concret consiste à tenir un journal pour noter les contextes précis où une rechute ou un risque de rechute est survenu, afin de mieux anticiper et prévenir ces situations à l’avenir (Marlatt & Donovan, 2005).

2.2. Renforcer ses nouvelles routines de vie

L’addiction comble souvent un vide existentiel ou émotionnel. L’arrêter sans proposer d’alternatives positives est peu efficace à long terme. Il est essentiel de construire activement de nouvelles routines qui redonnent sens, rythme et stabilité au quotidien :

  • Instaurer régulièrement des moments de détente et de récupération.

  • Structurer raisonnablement les journées avec des horaires fixes (repas, sommeil, activités régulières).

  • Reprendre ou découvrir des activités épanouissantes (sport, loisir créatif, musique, lecture).

  • Maintenir un réseau social de soutien, même minimal (Marlatt & Donovan, 2005).

Plus ces nouvelles routines sont solidement ancrées, moins la rechute trouve de place pour s’installer (Larimer et al., 1999).

2.3. Anticiper une stratégie concrète en cas de rechute

Prévoir clairement une stratégie en cas de rechute permet de limiter son impact émotionnel négatif. Cette stratégie doit être écrite à l’avance :

  • « Si je rechute, à qui est-ce que j’en parle immédiatement ? »

  • « Quelles pensées ou affirmations m’aideront à reprendre pied rapidement ? »

  • « Quelles actions concrètes (appeler quelqu’un, sortir marcher, écrire…) puis-je mettre en place tout de suite après la rechute ? »

La rechute devient alors une étape ponctuelle plutôt qu’un effondrement global des progrès réalisés (Marlatt & Donovan, 2005).

2.4. Travailler activement sur son identité personnelle

Il est essentiel de travailler sur la construction d’une identité positive distincte de l’addiction. On n’est pas « un addict » à vie, mais une personne capable d’apprendre à gérer différemment le stress, l’anxiété et l’ennui (White, 2007).

Quelques affirmations aidantes pour renforcer cette identité positive :

  • « Je suis en train de reprendre le contrôle. »

  • « Je suis quelqu’un qui mérite le respect, à commencer par le mien. »

  • « Je suis capable de surmonter cette habitude progressivement. »

Cette construction identitaire facilite la résilience, même en cas de rechute temporaire (DiClemente, 2018).

3. Comment réagir efficacement en cas de rechute ?

Si malgré tout une rechute survient, plusieurs étapes simples sont immédiatement applicables :

  • Couper court à la culpabilité : reconnaître que la rechute a été activée par un automatisme neurologique et non par une faiblesse personnelle (Koob & Volkow, 2010).

  • Revenir immédiatement à son plan initial : reprendre une action simple, concrète, identifiée auparavant.

  • Ne pas rester seul : parler rapidement à une personne de confiance ou rejoindre un groupe de soutien. L’isolement et la honte nourrissent l’addiction (Humphreys, 2004).

  • Reprendre dès le lendemain, et non « à partir de lundi » ou plus tard.

Conclusion

L’objectif réel n’est pas d’éviter totalement les rechutes, mais de construire progressivement une vie où l’addiction devient inutile (Marlatt & Donovan, 2005). Une rechute ponctuelle n’annule pas les progrès accomplis : elle fait partie intégrante du processus de changement.

Chaque fois que l’on parvient à se relever après une rechute, la solidité psychologique et l’autonomie personnelle s’en trouvent renforcées. Le chemin déjà parcouru reste valide : il suffit de reprendre là où on s’était arrêté, avec une confiance renouvelée dans sa capacité à avancer.