Traverser le quotidien avec sa peine

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Quand on perd quelqu’un, le monde autour semble continuer comme avant, mais nous, nous ne sommes plus tout à fait là. Le quotidien devient mécanique, difficile, parfois presque impossible à tenir. Ce vécu, bien qu’éprouvant, est parfaitement normal face à la perte (Bonanno, 2009). Le défi n’est pas de lutter contre la douleur, mais d’apprendre progressivement à vivre avec elle.

1. Ce que dit la réalité du deuil (loin des idées reçues)

  • Faire son deuil ne prend pas nécessairement trois mois, ni même un an. Le temps nécessaire varie considérablement d’une personne à l’autre (Stroebe & Schut, 2010).

  • On ne retrouve jamais totalement la vie « d’avant ». Le deuil modifie profondément notre rapport au monde (Bonanno, 2009).

  • On n’a pas à se forcer à « positiver » pour prouver aux autres que l’on va mieux. Le véritable enjeu est plutôt : comment continuer à vivre en ressentant pleinement la douleur sans s’y perdre complètement ? (Neimeyer, 2001)

2. Trois repères essentiels pour traverser chaque jour avec sa peine

2.1. Ralentir

On n’est pas obligé d’être efficace, disponible ou productif durant une période de deuil intense. Le processus de deuil demande une énergie considérable au cerveau et au corps, même si ce travail reste invisible (Stroebe & Schut, 2010). S’accorder quelques minutes d’espace mental chaque jour est un geste important d’auto-soutien.

2.2. Maintenir un minimum de rythme quotidien

Faire de petites choses simples suffit pour maintenir une stabilité de base :

  • Manger au moins une fois dans la journée, même sans faim.

  • Sortir quelques instants, même sans objectif précis.

  • Prendre une douche, établir une liste courte de petites tâches réalisables, bouger un peu (Bonanno, 2009).

L’objectif n’est pas de se réparer immédiatement, mais simplement de soutenir ce qui reste debout en soi. Et ce soutien quotidien est déjà un effort énorme et courageux.

2.3. S’autoriser à ressentir pleinement la douleur

Certains jours seront vides, d’autres seront traversés par des vagues intenses de douleur. Ces moments sont normaux et peuvent être pleinement vécus sans justification ou culpabilité (Neimeyer, 2001).

La peine n’est jamais une erreur, mais un passage naturel du processus de deuil (Stroebe & Schut, 2010).

3. Petits gestes concrets (et réalistes) pour le quotidien

  • Préparer un repas simple, même en absence de faim.

  • Programmer une alarme quotidienne pour sortir respirer quelques minutes à l’extérieur.

  • Écrire une phrase par jour sur ses ressentis (Neimeyer, 2001).

  • Dire « non » à certaines sollicitations lorsqu’on sent ses limites énergétiques atteintes.

  • Garder près de soi un objet, une photo ou un message réconfortant si cela apaise la douleur (Bonanno, 2009).

4. Que faire lorsque l’on sent que l’on perd pied ?

Il est tout à fait acceptable et même recommandé de demander de l’aide lorsque la souffrance devient trop intense :

  • Parler à un proche, à un professionnel ou rejoindre un groupe de soutien (Bonanno, 2004).

  • Ne pas attendre d’être en grande difficulté pour tendre la main : anticiper les moments difficiles en identifiant une personne-ressource.

Conclusion

Il n’est jamais nécessaire d’aller vite pendant un deuil, simplement de tenir à son rythme, en restant attentif à ses besoins réels. Chaque petit geste posé au quotidien constitue une douce résistance face au vide ressenti.

Oui, la peine est bien présente, mais la vie continue. Elle mérite notre soutien quotidien, même si elle paraît fragile ou bancale (Bonanno, 2009). Un jour après l’autre, parfois simplement un pas après l’autre, cela suffit amplement.